7 personnes déplacées d’Ukraine et un chat en sécurité !

par 6 Mai,2022Convoi humanitaire

Carnet de voyage d’un bénévole de retour de convoi humanitaire. 

Yuliia, Danilo, Irina et son chat, Viktoria, Alexander, Vassilii et Serafina sont maintenant en sécurité !

Quand les premières informations nous sont parvenues d’Ukraine, au sujet du conflit qui couvait (encore seulement à ce moment-là…) j’ai ressenti le besoin, viscéral, comme beaucoup d’entre-nous, de faire quelque chose ! Mais comment ? Tergiverser, encore une fois, et se dire ensuite que j’aurais pu, j’aurais dû… Non. Pas cette fois.

Rejoindre un convoi humanitaire. Aller là où c’est nécessaire et aider.

Une recherche internet plus tard et je tombe sur Lille Aide Ukraine. Quelle aubaine, si je puis dire… C’est décidé, je pars avec eux !
Je m’inscris, je prends contact, et j’insiste un peu, au début (merci Laurent, Delphine et Agathe de votre souplesse, je sais être parfois un peu lourd…) Me voilà sur la liste du prochain voyage, ce sera Varsovie, le week-end du 1er mai.
Pas beaucoup le temps de gamberger, tant mieux, et l’organisation se met en mouvement. Je veux être actif, déjà à ce stade, et je trouve deux vans qui feront le trajet. Merci le Centre social de Villeneuve d’Ascq pour la mise à disposition de votre Cafmobile.

Premier rendez-vous avec l’équipe du convoi

Vendredi 29, rendez-vous à Lys-Lez-Lannoy pour charger les véhicules, il y en a 8 pour ce convoi-ci ! Au détour d’un point de chargement supplémentaire, nous abîmons le van loué 2h plus tôt. Même pas encore partis… Il était tout beau, presque tout neuf.
Un briefing rapide pour se souhaiter une bonne nuit de sommeil, afin d’être « au taquet » le lendemain… Déjà David nous met dans l’ambiance, ne retenant pas une émotion forte à l’évocation de son expérience au milieu des déplacés et de « rapaces » tournant autour, en quête de proies pour leurs trafics inhumains… Je le sens, ça va swinguer !
Bouffée d’émotion…

Départ samedi au petit matin

Samedi 30 avril, 3h30, un voyage extraordinaire se profile.  À 5h, ce convoi prends la route vers la Pologne en vue d’apporter vivres et dons de toutes sortes aux populations ukrainiennes bousculées. Nous ramènerons plusieurs familles pour les mettre à l’abri, en sécurité.
Le temps pour elles de reprendre un peu confiance en la vie. Entre excitation, appréhension et questionnement, deux journées intenses nous attendent.
 
Nous voilà partis, dans l’inconnu pour la plupart, après un rendez-vous sur un parking pour l’esprit de corps ! L’émulation.

Sur la route, les panneaux défilent et le coeur s’emballe

L’ambiance est enthousiaste, même si, pour ma part, je ne cache pas ma sensibilité à l’idée de ce qui nous attend. Les kilomètres défilent, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, puis la Pologne… Au gré des panneaux indicateurs, de plus en plus près du but, s’il fallait encore une justification, notre expédition prend tout son sens.
Jamais mis les pieds en Pologne, jamais été aussi près du peuple ukrainien qui attend notre meilleure aide. 
Le point de dépose sera quelques kilomètres avant Varsovie, finalement. Ce sera Swiebodzin, un entrepôt délabré, dans une zone un peu triste, et enfin les personnes qui nous attendent. Les premiers regards solidaires… Les sourires aussi, malgré le contexte. Nous faisons le bien, là !
Les vans sont déchargés à bon rythme, dans les rires et les croisements de langages… Qui donne du français, qui du polonais, qui de l’ukrainien, agrémenté de quelques bribes d’anglais…On y est.
Bouffée d’émotion…
Le jour commence à tomber, et nous devons encore rejoindre nos chambres d’hôtel à Varsovie. Pas le temps de tailler le bout de gras, il faut enchaîner, parce que demain sera une grosse et bouleversante journée, à n’en pas douter.
Manger un petit quelque chose. Une petite valse des lits plus tard, pour que tout le monde puisse dormir, même un peu. La recherche d’un porte-feuille égaré, puis finalement retrouvé, et tout le monde au dodo !

Rencontre avec ces personnes que nous mettons en sécurité

Dimanche, pour une partie du groupe, nous devons aller chercher une maman et son fils, puis une femme et son chat dans le hall de l’Ibis voisin, rendez-vous 7h.
Arrivé sur place, une hésitation plus tard (la première chose que je dirai à Yuliia, pensant que son enfant serait plus grand, sera Non ! Quand elle me demande si c’est nous qui venons les secourir… Bourricot.)
Nous voilà face à Yuliia donc, qui nous a emboîté le pas quand même, son fils Danilo (prononcer Danilâ), Irina et son chat ! Nous tâchons, à grand renfort de traducteurs sur nos portables, de faire un peu connaissance, de les rassurer et de leur expliquer qui nous sommes (quatre gaillards inconnus…) Et où nous les emmenons-nous?

Le pouvoir insoupçonné des tatouages

Yuliia voit le mien et le trouve sympa, me montre alors le sien. Je lui dit qu’il signifie Paix, elle me répond que le sien aussi. La glace est brisée…
Bouffée d’émotion…

45 personnes déplacées prises en charge

Le gros du groupe ira, un peu plus tard, au point de rendez-vous principal, pour embarquer les autres passagers de l’expédition. Une tout autre expérience, certainement.

Nous partirons à deux véhicules. Pour Amaury et moi, ce sera le van et ses occupants d’une part, et une voiture de soutien (un grand merci à Corentin et Sylvain d’avoir été avec nous sur ce coup !) d’autre part.
Pour optimiser l’opération, il a été décidé d’ajouter une étape, pour installer une famille de quatre personnes aux places encore disponibles dans le van. Nous les retrouvons dans un quartier résidentiel de Varsovie, chez Pierre-Yves, membre très actif de l’association sur place.
Les parents sont sourds, pour ajouter un peu de piment à nos échanges…
Un café, une photo de groupe…

 

9h. C’est l’heure. Le grand départ.

À peu de chose près, le trajet est le même qu’à l’aller, dans l’autre sens, avec des humains qui ont remplacé les cartons, et qui ajoutent encore du sens, comme si c’était nécessaire…
Nous expliquons alors notre plan de route, avec un arrêt toutes les deux heures, environ. Yuliia, qui est fumeuse, me demandera quelques fois, avec délicatesse mais énergie, si nous sommes encore loin du prochain arrêt… Elle parle vite, sans penser que nous ne comprenons pas… Et attendant de nous que nous lui répondions prestement… Scènes épiques en perspective.
Quand je ne suis pas au volant, je tiens lieu de « secrétaire traducteur » entre Laurent, qui coordonne tout ceci depuis Lille et la famille de quatre. Leur maison d’accueil est encore à confirmer, il faut agir vite, efficacement, et faire avec les aléas de langues, de réseau, et s’assurer que tout est clair pour eux. Le bouleversement qu’ils vivent ajoute au stress…

 

Le calme admirable de nos passagers

De nombreux échanges plus tard, perturbés aussi par les mêmes soucis de placement dans d’autres véhicules du convoi (Sophie, libère la ligne …) Et le contact est validé entre Viktoria, la maman, et la famille accueillante. Ouf !
Nos passagers sont admirables de calme et de dignité. Ils demandent, patiemment, le rechargement de leurs portables. Une double prise usb branchée sur le seul allume cigare pour 7 appareils. Prenez un ticket !
Alexander, à côté de qui je vais passer beaucoup d’heures, me raconte son histoire. Leur fuite de Kharkiv, marre de voir et de ressentir les vibrations des bombes… Les gestes suffisent à dresser un tableau terrible, et aussi les poils sur mes bras…
Bouffée d’émotion, partagée cette fois.
Ses yeux s’embuent, les miens aussi…
Il finira en me montrant une vidéo filmée dans son quartier, des bâtiments éventrés, des gravas partout, la vibration des émotions est palpable ! Pas de corps, c’est pas utile… On a vu ces images mille fois à la télé, mais là c’est un survivant qui me les montre…

« Nous vous emmenons à l’abri, en sécurité… » Que dire ?

La route se passe, les sourires se font moins rares, et les discussions, si compliquées soient-elles, s’installent sporadiquement… Viktoria est photographe, de métier si j’ai bien compris. Je suis amateur, mais je me débrouille. Je sors mon appareil, qu’elle trouve super. Je lui montre alors quelques unes de mes créations. Un contact s’établit encore, improbable, autour de l’image.
Bouffée d’émotion…
Yuliia voudra trouver des frites pour Danilo, mais nous ferons chou blanc sur ce coup. Les friteries que nous croiserons seront toutes fermées ! Même Mc Do !
Et pendant ce temps, Irina la discrète n’apparaîtra que pour promener sont gentil chat, de temps en temps. Refusant toute proposition pour manger un morceau. Poliment, dignement. J’espère qu’elle a bu…
Comme la route se passe bien, les relais entre Amaury et moi s’enchaînant méthodiquement, les kilomètres défilent, les frontières se passent les unes après les autres (lapalissade, je sais…) Serafina et Danilo nous offrirons leurs piaillements et leurs rires innocents.
Et nous voilà à Lille Europe ! Un peu avant 1h du matin, ce lundi. Un petit groupe de personnes est là, dans les lumières un peu ternes, pour nous accueillir. Merci Hélène, notre chef d’orchestre du jour.
Viktoria, dans le réveil un peu difficile de chacun, nous demande encore qui sont ces gens ? Avant de descendre finalement du van…
Quelques regards échangés, quelques mots aussi, et les voilà réinstallés dans les voitures de leurs hôtes respectifs. Des mercis nous sont adressés, sincères, profonds et furtifs… Yuliia viendra finalement nous étreindre tous les quatre, pour nous exprimer à chacun toute sa gratitude ! Amaury aura pris soin de trouver une peluche à offrir aux deux petits, adorable !
Bouffée d’émotion…
« Bonne nuit, à une prochaine… » Et chacun s’en retourne à sa vie.
Quelle aventure extraordinaire ! Au sens littéral !
Témoignage de Philippe Mairet

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