Un voyage inédit et épique pour venir en aide aux déplacées ukrainiens.
Nouveau voyage, nouveaux visages, nouveaux paysages, nouvelles images ! En ce petit matin du 21 mai 2022, le 10ème convoi humanitaire de Lille Aide Ukraine, le deuxième pour moi, s’annonce. Il sera intense et riche de partages, d’émotions, de surprises et toujours teinté de fierté. L’hypersensible que je suis : une éponge; et je vais me nourrir de ces sensations.
Quelques heures avant le convoi humanitaire
Comme la première fois, j’ai hâte d’y être, alors même que nous sommes, à cet instant, tous chez nous, au chaud, prenant autant de repos que possible avant un périple inédit ! Notre prochain convoi humanitaire à destination de la Pologne approche à pas de géants.
Pour varier les plaisirs, et parce que sans imprévus ce serait moins drôle, nous irons à Brzeg, au sud de Wrocław, avant de séjourner quelques heures à Varsovie, pour prendre nos passagers déplacés en charge, en provenance d’Ukraine, en vue d’un retour dimanche soir à Lille. Quelle aventure, à nouveau.
Réveil aux aurores – rendez-vous du convoi
3h30, je ne dors plus, les idées fusent ! De toute façon, dans 45 mn, Hugo me rejoint pour retrouver Vernon à Mons, où nous embarquons Valentyna, ses filles Iryna et Oksana, et Maksym le fils d’Iryna ! Nous ne nous connaissons pas et nous allons parcourir 1400 kms ensemble ce samedi.
Il y a 3 semaines, lors de mon 1er voyage, c’était des cartons que nous convoyions à l’aller. La charge émotionnelle est tout autre aujourd’hui.
« Un informaticien franco-américain, un journaliste français et un conducteur de camion presque belge… » C’est pas le début d’une bonne blague ça ?
Rendez-vous pour le départ
Vernon, Hugo et moi allons nous relayer au volant afin d’accompagner cette famille qui rentre chez elle. Nous en vivrons des péripéties.
Par bonheur Oksana et Iryna parlent bien anglais. Nous allons pouvoir échanger, et nous n’allons pas nous en priver.
« Installez-vous confortablement, les deux banquettes sont pour vous ! Si vous avez besoin de quoique ce soit, vous nous dîtes. Nous prévoyons un arrêt toutes les deux heures. Autant que tout le monde soit le plus à l’aise possible.
Les mêmes propositions, peu ou prou, seront distillées dans les autres véhicules à Vira, Liudmyla, Yuliia, Valentina, Karina et Milana, nos autres passagères. Elles ont pris la décision de retourner au pays : en Ukraine.
Premier rendez-vous pour l’équipée au complet sur l’aire de Camphin en Pévèle, 5h ! Nous rencontrons nos partenaires de jeu pour le week-end, et les 6 autres personnes qui rentrent chez elle. Les familles accueillantes sont là pour un dernier « au revoir ». Moment émouvant pour tous.
Crevaison : les aléas des convois humanitaires
Tout roule. Les kilomètres défilent jusqu’à ce qu’il faille changer une roue du van de Céline. « Céline ton pneu arrière gauche ne semble pas trop gonflé ! Merci Paul pour l’alerte. Nous continuerons un peu « ça va tenir jusqu’à la prochaine aire… ». Il faudra une étape intermédiaire… Travail d’équipe, après tergiversations quant à la façon de libérer la roue de secours. « On va devoir décharger des colis ? » Non, finalement c’est étudié pour justement.
Nous en profiterons pour discuter et décider de prendre Svilana et son chat Olivia avec nous pour la fin du trajet. Elle est attendue « pas loin » du point de dépose des colis. « C’est cohérent !… » Nous ne transportons pas de dons nous.
Séparation de notre hôte ukrainienne
La Cafmobile s’arrêtera donc à Wrocław, avant d’aller à Brzeg pour le déchargement collégial. Vernon nous quittera, temporairement. Une partie épique se profile alors. Svitlana est attendue. Nous la déposons enfin, vers 20h15 et son ami est là. Ouf.
Hugo, qui est journaliste donc, est « aussi » là pour faire son travail… Il en profite pour lui poser quelques questions. Tout en saisissant l’adresse de Brzeg, je jette un œil sur elle et constate que les larmes lui viennent. À moi aussi, Hugo se contient, Oksana traduit… Entre soulagement et fatigue, Svetlana est contente d’être arrivée. Enfin. « Elle semble ravie de son voyage retour. Merci pour elle ». Merci Manon pour ton petit mot. Ça rassure.
Pas de temps à perdre, notre petite famille est patiente, mais il y a des limites. Je ferai confiance, trop, au guidage du GPS. Et nous allons visiter des quartiers étonnants ! Entre pénombre et rues pavées… Serions-nous sur les routes du Paris-Roubaix ?
Enfin, Brzeg, la destination est atteinte. Atteinte ? Presque… Il faudra encore 5mn pour retrouver le groupe… Quelle expérience !
Déchargement des dons humanitaires à la chaîne
Ils auront commencé sans nous… Et la chaîne enchaînera ! Nous nous y intégrerons, et les véhicules seront vidés en deux temps trois mouvements. Une très belle chaîne de solidarité à voir en vidéo.
Des rires, qui polonais, qui français, teintés d’ukrainien s’entremêlent et l’heure des « au revoir » sonne déjà. Des photos pour immortaliser, des blagues pour dédramatiser, et il est temps de reprendre la route ! On n’est pas couché.
Avec tout ça, le réservoir se sera vidé, il faudra ravitailler en chemin. Encore une étape
Quelques imprévus
Trouver une station ne sera pas une mince affaire. Nous serpenterons dans les sous- bois, encore des pavés, une station (fermée), des cervidés. Et même un furet ! « Slowly, slowly » Demandera Oksana. Nous n’allions pas lui rouler dessus, non plus…
Varsovie en pleine nuit
Le plein fait, nous tracerons, autoroute rejointe, pour arriver à Varsovie au cœur de la nuit. Pas de temps pour le tourisme, dommage. Les lumières sur les façades sont magnifiques. La destination finale, temporaire, pour la famille, exténuée est atteinte. Rues pavées, encore. Il faut trouver l’entrée, malgré tout. Oksana et moi allons à pieds pour arriver au n°62 ! Moments d’échanges, sans trop de paroles, sinon pour se demander si ça va… Intense, pour autant.
Une sonnerie, deux sonneries et le gardien vient nous ouvrir. La mine patibulaire, il parle polonais normal. Oksana ukrainien et anglais. Moi français et anglais. Inutile. Il est tard pour tout le monde. Il faudra le renfort du traducteur de smartphone. Nous déchargerons les bagages, à monter au quatrième, sans ascenseur.
2h57 du matin, arrivée à l’hôtel de Philippe et Hugo et toujours le sourire.
Varsovie – 3h du mat
La porte ne veut pas s’ouvrir. 1400 bornes pour trouver porte close ? Ah non ! Le gardien se pointe, essaie, redescend et revient avec une autre clé. Ouf !
Deux heures de sommeil et toujours le sourire
Diakouyou, Spassiba, Merci, Thank you ! Nous nous prenons dans les bras, intenses étreintes, une photo, même avec nos mines fatiguées, pour le souvenir impérissable.
Il faut repartir. Deux heures de sieste nous attendent, généreuses, moqueuses ? Un peu.
3h du mat’ dimanche matin donc, nous sommes arrivés à la fin de cette première journée, incroyable. Nous allons dormir, ou en tout cas essayer, et on remet ça dans l’autre sens pour un retour optimiste dimanche soir, probablement lundi matin… Oksana et sa famille sont en lieu sûr.
Dimanche 5h30, retour du convoi vers Lille
Dimanche, 5h30, bon pied, bon œil, devant l’hôtel où nous attendent les personnes que nous allons conduire à l’abri. Des regards, des paroles rassurantes, un lapinou pour les p’tits bouts ! Les photos pour immortaliser ce moment. Nous sommes beaux.
Il faut continuer, nous devons aller chercher Anastasiia et ses animaux à Wrocław. Nous ferons cela en convoi, ensemble, toujours. On est une épique ! Euh… Une équipe !
Un véhicule sur deux est vide… C’est pas banal, non plus, ça.
Le petit Maxim prendra le cœur de Steph ! Ils ne se lâcherons pas d’un iota, jusqu’à l’arrivée à Lille.
Nous, dans la Cafmobile, auront toute la place et tout le loisir de prendre du repos, après chaque relais au volant. « Vernon, tu dors ?… »
Hugo en profitera pour travailler. Entre l’écoute des rushs déjà dans la boite et les autres entretiens que nous allons avoir, le temps passera, différemment, étonnant, enrichi de nos discussions.
Les émotions indirectes seront de la partie. Mais c’est surtout dans les autres véhicules que les échanges se poursuivront avec les déplacés. C’est pas à moi de raconter…
Les lapins offerts aux enfants ukrainiens
Caroline et Google Trad
2h du matin, lundi, nous stoppons les véhicules devant le point de dépose de Lille Europe ! Sophie aura poursuivi, ses passagers doivent aller jusque Valenciennes.
Arrivée à Lille – accueil par les familles d’accueil
Les familles accueillantes sont là ! Hélène en cheffe d’orchestre coordonne. « Bonjour Hélène ! Oui, j’ai vu, il ne pleut pas finalement… Tant mieux ! »
Steph, Maxim, il va falloir se séparer maintenant… Je sens tes vibrations émotionnelles de Steph. Quelques caresses de compassion, tu essuieras tes larmes. D’autant que le petit père aura vite fait de « passer à autre chose » en voyant des jouets dans la voiture qui les emmène ! On est peu de choses…
On s’étreint une dernière fois, on s’embrasse et « à bientôt ! » Quelques serrages de mains aussi, et on s’en retourne chacun de notre côté. Je déposerai Hugo à sa voiture, garée devant chez moi. Encore quelques mots, pour conclure, et « à une prochaine ! »
Lundi 23, 2h00 du matin, Lille Europe … Des liens se sont créés
Toujours un petit pincement au moment de se laisser. Surtout compte tenu de ce que nous avons partagé, toutes et tous, pendant ces 46h. Ébouriffantes.
Après le week-end du 1er mai, déjà mémorable, voici que celui du 21-22 mai se grave à son tour, à jamais dans mon cœur, dans mon âme. 6000 kms en l’espace de trois semaines, 7 personnes mises à l’abri chez nous, et cinq autres ramenées chez elles. L’humain est beau, finalement. J’espère que ces trois femmes et ce petit bonhomme sont en sécurité. Et tous les autres également, évidemment.
On a fait le bien là.
Gratitude d’être parmi les vivants.
Philippe Mairet, carnet de voyage n°2, du 20 au 23 mai 2022, Lisez son premier récit de voyage.. Prochain convoi humanitaire, le 18 juin, retrouvez les dates des prochains convois.